Ne fais pas ça
(Revue de presse)

"Sexes opposés",
par Dominique Borde
Le Figaro, 24//03/04


 

 

Deux générations de couples se déchirent. Joël, jaloux obsessionnel, moleste Nicole qui part furieuse se réfugier chez ses parents, Edith, infidèle le temps d'une évasion, qui vit à côté de Francis, peintre et sculpteur, enfermé dans son atelier loin d'elle et des autres. Tous les deux s'aiment sans plus se comprendre et pouvoir se rapprocher. Il y a ceux qui se battent et se heurtent encore dans le refus de leurs différences et ceux, plus résignés, qui s'affrontent secrètement. Pourtant chaque homme ira à sa manière jusqu'au bout. Joël va saborder son métier de cuisinier et Francis tentera de commettre l'irréparable. Les femmes excédées ou sereines, attendent pour comprendre encore, retrouver ou soigner le plus grand malade de leur couple.

Sur une trame de Philippe Djian, Luc Bondy observe la géographie variable des rapports homme-femme comme un jeu grave, hésitant ou brutal où des personnages aussi vrais que la réalité circulent sur la scène d'un écran ouvert aux tempêtes et aux accalmies. Il les regarde sans les sonder, les écoute sans les cerner, les laissant porter par les simples mouvements de la vie. On esquive le vaudeville pour effleurer le drame dans cette confrontation dédoublée, qui commence sur des gifles et finit sur des coups de revolver, s'ouvre sur un départ et se referme sur un retour et une attente. Même le désespoir a ici des accents éphémères. Il s'agit d'autre chose ; de la malédiction d'être deux, comme disait Marguerite Yourcenar. A cela point de remède, seulement des apaisements, des trêves entre deux crises.

C'est ce que murmure ce film où Nicole Garcia et Natacha Régnier jouent les virus et les infirmières devant deux hommes qui se recroquevillent ou s'agitent. Eternelles contradictions des sentiments qui bouillonnent dans le bocal d'une bohème de luxe pour un désordre très ordinaire, éparpillant des fragments de vie qui ressemblent à l'amour.

 

© Dominique Borde, Le Figaro, 24//03/04