Ne fais pas ça
(Revue de presse)

"Un scénario à quatre mains",
par François Cohendy
Le Progrès, 22//03/04


 

 


Si Luc Bondy s'est chargé de la réalisation de « Ne fais pas ça !», qui sort après-demain, ce grand metteur en scène de théâtre et d'opéra cosigne le scénario du film avec le romancier Philippe Djian. Double rencontre.

Philippe Djian, dont on sait les succès de librairie, n'avait en fait jamais croisé le cinéma puisque les adaptateurs de ses romans « Bleu comme l'enfer » et « 37°2 le matin » avaient cheminé indépendamment de lui. Pour « Ne fais pas ça ! » il en va tout autrement : le romancier auteur de « Zone érogène » est co-auteur du script avec Luc Bondy, qui s'est ensuite chargé de la réalisation de ce long métrage à l'affiche mercredi prochain.

L'idée du film, qui tourne autour du couple, des rapports enfants/parents et de ceux entre l'art et la vie privée, est née dans l'esprit de Djian à la suite d'une discussion avec Louise Bourgeois, qui lui parlait de sa relation insatisfaisante avec ses enfants, « elle se plaignait de ne pas les voir suffisamment. » Et l'expliquait par le fait qu'elle avait privilégié l'art plutôt que la vie. « C'est la même chose dans le film en ce qui concerne Francis. Il a opté pour l'art contre la vie, alors que son gendre fera l'inverse, délaissant son art culinaire pour retrouver sa femme. »

« C'est quelque chose que je peux vraiment comprendre, personnellement je ne veux pas du tout être aux ordres de l'art, il ne m'apporte et ne m'apprend pas tout et je veux laisser la porte ouverte aux enfants ».

Tourné à Grenoble

Le tournage s'est déroulé dans la région Rhône-Alpes -qui a participé au financement- plus précisément à Grenoble, même si la villa de Francis n'était qu'à trois quarts d'heure de Paris ! Explications de Djian : « J'ai toujours eu du mal à écrire sur la France, et plus encore sur Paris...»

« Je suis comme Luc, je me sens plutôt européen que français. On avait pensé aller à Genève ou au Canada, finalement ce fut Grenoble et ses environs, ce qui nous a permis d'évoquer dans le film une nature qui enferme plus qu'elle ne libère ».

Luc Bondy, qui n'avait travaillé que sporadiquement pour le cinéma (son précédent film, « Terre étrangère », remonte à 1988) n'entend pas abandonner l'opéra ni le théâtre. Il ressentirait cela comme une trahison, et puis le théâtre ramène « à des choses primordiales.»

« Le cinéma c'est très long et très fatigant nerveusement et physiquement! Mais c'est un art qui possède par rapport à la scène l'avantage de posséder une liberté dans la narration, de pouvoir s'attarder sur des détails On peut suggérer des sensations sans avoir recours à la parole, on peut voir une pensée évoluer sur les visages, au théâtre c'est impossible »

Raison pour laquelle le génie des planches loue le travail de ses comédiens, en particulier Nicole Garcia : « Elle n'hésite pas à montrer son âge, et elle a la beauté de son âge, comme Deneuve dans Place Vendôme, comme Gena Rowlands, que je vénère. Nicole a une énorme force intérieure et un visage très changeant, très mobile, parce qu'il n'est pas du tout fabriqué. » On ne le contredira pas : Garcia c'est une âme en marche.

© François Cohendy, Le Progrès, 22//03/04