Ne fais pas ça (Revue de presse) "Un scénario à quatre mains", |
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Philippe Djian, dont on sait les succès de
librairie, n'avait en fait jamais croisé le cinéma puisque les
adaptateurs de ses romans « Bleu comme l'enfer » et « 37°2 le matin »
avaient cheminé indépendamment de lui. Pour « Ne fais pas ça ! » il
en va tout autrement : le romancier auteur de « Zone érogène » est
co-auteur du script avec Luc Bondy, qui s'est ensuite chargé de la réalisation
de ce long métrage à l'affiche mercredi prochain. L'idée du film, qui tourne autour du
couple, des rapports enfants/parents et de ceux entre l'art et la vie privée,
est née dans l'esprit de Djian à la suite d'une discussion avec Louise
Bourgeois, qui lui parlait de sa relation insatisfaisante avec ses
enfants, « elle se plaignait de ne pas les voir suffisamment. »
Et l'expliquait par le fait qu'elle avait privilégié l'art plutôt que
la vie. « C'est la même chose dans le film en ce qui concerne
Francis. Il a opté pour l'art contre la vie, alors que son gendre fera
l'inverse, délaissant son art culinaire pour retrouver sa femme. » « C'est quelque chose que je peux
vraiment comprendre, personnellement je ne veux pas du tout être aux
ordres de l'art, il ne m'apporte et ne m'apprend pas tout et je veux
laisser la porte ouverte aux enfants ». Tourné à Grenoble Le tournage s'est déroulé dans la région
Rhône-Alpes -qui a participé au financement- plus précisément à
Grenoble, même si la villa de Francis n'était qu'à trois quarts d'heure
de Paris ! Explications de Djian : « J'ai toujours eu du mal à écrire
sur la France, et plus encore sur Paris...»
« Je suis comme Luc, je me sens plutôt
européen que français. On avait pensé aller à Genève ou au Canada,
finalement ce fut Grenoble et ses environs, ce qui nous a permis d'évoquer
dans le film une nature qui enferme plus qu'elle ne libère ».
Luc Bondy, qui n'avait travaillé que
sporadiquement pour le cinéma (son précédent film, « Terre étrangère
», remonte à 1988) n'entend pas abandonner l'opéra ni le théâtre. Il
ressentirait cela comme une trahison, et puis le théâtre ramène « à
des choses primordiales.»
« Le cinéma c'est très long et très
fatigant nerveusement et physiquement! Mais c'est un art qui possède par
rapport à la scène l'avantage de posséder une liberté dans la
narration, de pouvoir s'attarder sur des détails On peut suggérer des
sensations sans avoir recours à la parole, on peut voir une pensée évoluer
sur les visages, au théâtre c'est impossible »
Raison pour laquelle le génie des planches
loue le travail de ses comédiens, en particulier Nicole Garcia : « Elle
n'hésite pas à montrer son âge, et elle a la beauté de son âge, comme
Deneuve dans Place Vendôme, comme Gena Rowlands, que je vénère. Nicole
a une énorme force intérieure et un visage très changeant, très
mobile, parce qu'il n'est pas du tout fabriqué. » On ne le contredira pas : Garcia c'est une âme en marche. © François Cohendy, Le Progrès, 22//03/04
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