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Lorsque Djian évoque l'émotion
ressentie par la lecture de L'attrape-cœurs dans Ardoise, je ne
peux m'empêcher de penser à celle qui m'a saisi le jour où j'ai
ouvert Zone Érogène.
Cette scène se déroule à la fin des années 80, alors que j'entame
des études de lettres à la fac. De Djian, je ne connais à ce
moment-là que l'adaptation de 37°2 par Beineix et les chansons
de l'album My place de Stephan Eicher. Je ne me souviens plus
pour quelle bonne raison mon choix s'arrête sur Zone Érogène
(ni même sur Djian) au
moment de passer à la caisse.
En quelques heures, l'ouvrage est pourtant avalé. Le style me glace le
dos, le livre me tombe des mains. Le venin coule dans mes veines.
À cette période, je commence à me
frayer une "conscience" littéraire. Je suis avide de
nouveauté, lisant tout et n'importe quoi afin d'être en mesure de comparer. Le
but de la manœuvre consiste à accumuler des arguments pour les uns ou
contre les autres. J'ai, peu de temps avant Djian, découvert Céline.
À mes yeux, il ne fait aucun doute que Djian s'inscrit dans la même lignée.
Je décide logiquement de retourner à la librairie pour acheter le
reste de ses romans. Découvrir plusieurs ouvrages de Djian dans la
même semaine s'apparente à un véritable cadeau. J'en oublie sans
doute de manger. Pourtant, rien n'est terminé. Les écrivains cités dans son œuvre me
sont pour la plupart connus (dont les deux ténors, Bukowski et Miller)
et, pour ceux dont le nom m'est étranger (Brautigan, Kerouac),
je m'empresse d'ingurgiter leurs ouvrages, symboles d'une littérature
enfin dépoussiérée. J'en arrive même à lire les deux tomes de Moby
Dick.
Les auteurs étudiés à la fac m'ennuient. J'ignore qui de moi ou
des universitaires a le mieux compris les enjeux de la littérature. Du
bout des lèvres et sans trop d'illusions, je
propose à une prof un sujet de maîtrise sur Philippe Djian. Elle
connaît mal, le trouve "trop" contemporain (ah ah !), ne se
sent pas de taille. J'obtiens finalement l'accord de quelqu'un d'autre pour
mener un travail concernant L.-F. Céline.
Les années qui suivent, la sortie d'un nouveau Djian me flanque à
chaque fois dans un état quasi euphorique. Je suis devenu un lecteur
intoxiqué. Certains romans sont plus réussis que d'autres. Il
n'empêche. Une phrase, toujours, vous fera sourire. Une réflexion vous
fera réfléchir à ce que vous êtes devenu. Djian compte dans le
paysage littéraire français. Désormais, il est impossible de rater
les bandeaux rouges plaquées par-dessus les immaculées couvertures des
éditions Gallimard sur lesquelles son nom s'inscrit en majuscules.
Plus d'une dizaine d'années a passé. L'émotion est, je pense,
demeurée la même. Aujourd'hui, je tiens à le remercier modestement
avec ce site.
David Desvérité
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