Éléments
biographiques
Enfance/adolescence
- Après le lycée - Naissance
d'un écrivain - "Manteau
de gloire"
Enfance/Adolescence
Né le 3 juin 1949 à Paris,
Philippe Djian grandit dans la capitale, rue Taylor (10ème
arrondissement). D'origine juive, son père, né en Algérie, s'engage à
l'âge de 16 ans lorsque la guerre éclate. Démobilisé à vingt ans, il
rencontre peu après celle qui deviendra sa femme. Décrit comme "une
espèce de bandit [...], un bagarreur n'ayant peur de rien", comme
"quelqu'un qui n'a trouvé sa place nulle part", son mariage le
poussera à renier ses origines. Sa femme est en effet issue d'un milieu
bourgeois catholique très réactionnaire. Son père, grand-père maternel
de Philippe Djian, s'installe dans la maison familiale, où vit le couple
et ses trois enfants. Philippe est l'aîné de trois frères. Ce
grand-père laisse à son petit-fils une impression de puissance absolue,
sorte de "statue du Commandeur" (on pense immédiatement au
personnage de Victor Sarramanga dans Sotos).
L'enfance de Philippe Djian se déroule dans ce climat étrange, où ces
deux univers antithétiques se côtoient. Les valeurs défendues par la
mère sont aux antipodes de l'éducation du père. Aucune démonstration
de tendresse ne ponctue l'existence de l'enfant : "Mes parents
travaillaient, et quand mes deux frères et moi nous rentrions de
l'école, nous nous retrouvions dans un appartement vide [...] On
communiquait peu, et on n'avait pas beaucoup de contacts physiques".
Il entre en sixième au Lycée Turgot. Ce petit parisien lit beaucoup
durant sa scolarité, pratique de nombreux sports, écoute Léo Ferré
chantant Baudelaire, Verlaine ou Rimbaud.
En quatrième, Philippe Djian
fait la connaissance de Jérôme Equer, nouvel élève arrivé en cours
d'année. A ses yeux, Jérôme incarne quelqu'un ayant une maturité
incroyable, artiste dans sa façon "d'être, de lire, d'écrire, de
fumer une cigarette". Les deux adolescents deviennent rapidement
inséparables. Jérôme va obliger Philippe à écrire, instaurant entre
eux "l'obligation d'une correspondance quotidienne".
Plus tard, en classe de seconde, un professeur de français ("un type
maigre et dégringandé qui s'appelait Belval") lui transmet sa
passion pour la musique et la littérature. L'adolescent découvre L.-F.
Céline, W. Faulkner. A seize ans, l'adolescent s'installe dans la chambre
de bonne de l'appartement familial, et entame une vie nocturne inconnue
jusqu'alors. Jérôme et lui prennent deux
copines pour maîtresse. Apprentissage du sexe, de l'alcool, des nuits
blanches.
Après
le lycée
En 1967, Djian s'embarque, toujours en compagnie de Jérôme Equer, durant 4
mois pour
l'Amérique. Début des petits boulots aux États-Unis avant
un périple en Colombie. Djian ne cède pas aux sirène politiques de
l'époque, et, à ses yeux, mai 68 s'apparente avant tout à une période
où "il y avait beaucoup de filles dans les rues", où
"tout le monde semblait un peu dingue". Après la terminale, il s'inscrit dans une école de journalisme sans vraiment y mettre les
pieds.
Les petits boulots se succèdent. Il est embauché durant l'été
comme magasinier chez Gallimard. Jean Denoël se lie d'amitié avec le
jeune homme et lui fait découvrir une "certaine littérature".
Jean Denoël lui permettra d'interviewer Montherlant et Lucette
Destouches, veuve de Céline, pour la publication posthume de Rigodon,
en 1969. Pourtant, Djian ne rêve que d'une chose, voyager, coûte que
coûte. De nombreux petits boulots (docker, vendeur, monteur de stands...)
permettent à l'adolescent de partir régulièrement à l'autre bout du
monde. Peu à peu, Philippe Djian se met à l'écriture, "jugé"
par Jérôme qui possède, selon lui, une indéniable capacité à
"trouver les mots justes" : "Quand il lisait ce que j'avais
écrit, je ne passais pas un bon moment. Je guettais sa moindre
réaction". Ensemble, ils réalisent des reportages sur la Colombie
qu'ils tentent de vendre à des journaux. Paradoxalement, Philippe est
chargé de prendre les photos. Fiasco. Jérôme lui transmet alors un
tuyau. Le journal Détective cherche des personnes capables
d'écrire les "enregistrements recueillis chez les prostituées, les
flics et les gens du milieu". Parallèlement, Djian signe dans cet
hebdomadaire un feuilleton sous le pseudonyme de Dan Miller (La nouvelle
"Slip ou culotte" dans 50 contre 1 s'inspire de cette
expérience).
Le service militaire va interrompre l'étroite relation entre Philippe et
Jérôme. Réformé en raison de sa surdité de l'oreille droite, Djian, rencontre,
à l'âge de 25 ans, Année (en réalité Anne-Marie), celle qui deviendra sa
femme. Elle est peintre. Le couple part provisoirement s'installer dans les Corbières.
Un an plus tard, Loïc, leur premier enfant, voit le jour.
Naissance
d'un écrivain
C'est en voulant essayer une
machine à écrire, donnée par un ami, que Djian entame l'écriture des
nouvelles qui composeront 50 contre 1. A ce moment, il travaille
dans un péage, la nuit, à la Ferté-Bernard, près du Mans. Après les
avoir lues à quelques-uns et s'être rendu compte qu'elles plaisaient,
Djian se rend chez Gallimard afin de les montrer à Jean Denoël. On lui
apprend que ce dernier est mort. Il laisse son recueil de nouvelles à la
standardiste. Christiane Barroche, membre du comité de lecture, se fend
d'une lettre pour l'assurer d'une prochaine publication. Six mois plus
tard, le comité de lecture de la NRF lui apprend que son style le place
"en-dehors de la littérature" et qu'il est impubliable
("Rater" les écrivains talentueux pour les racheter ensuite
constitue la spécialité de la maison depuis Proust et Céline).
Christiane Barroche continue à croire au talent de ce jeune écrivain et le met en contact avec Bernard Barrault qui vient tout juste de
lancer sa propre maison d'édition avec Bernard Fixot (BFB).
Nous sommes en 1981. À l'époque, Djian réside à Fitou avec sa femme.
Aidé par son frère, il restaure une bergerie ("Construire un mur en
pierre vous apprend comment une phrase finit par tenir debout").
Vivant en marge du milieu éditorial parisien, hermétique aux articles de
presse qu'il suscite, l'écrivain confesse n'avoir rencontré son éditeur
qu'après la publication de ses trois premiers livres... Bleu comme
l'enfer et Zone érogène sont publiés respectivement en 1983
et 1984, et ces premiers ouvrages ne se vendent qu'à quelques centaines
d'exemplaires. Un passage raté dans l'émission Apostrophes n'augmente en
rien ces ventes. Pourtant, les critiques s'interrogent sur cet écrivain si novateur,
refusant tout entretien avec la presse ("Philippe Djian, un ostrogoth
dans un champ de bluettes", titre Patrice Delbourg dans Les
Nouvelles littéraires en novembre 1981). Télérama évoque
même la "naissance d'un mythe"...
"Manteau
de gloire"
Le succès auprès du grand public viendra au moment de l'adaptation de 37°2
au cinéma par Jean-Jacques Beineix (800 000 entrées en trois
semaines). Le succès du roman, bientôt traduit dans une vingtaine de
pays, est absolu. En 1985, l'écrivain et sa petite famille (Clara, la
première fille du couple est née en 1982) part s'installer dans un
pavillon à Biarritz. Il y rédige plusieurs ouvrages. Antoine de Caunes,
à qui il avait envoyé un roman, lui consacre une émission spéciale
des Enfants du Rock. Djian choisit d'inviter Leonard Cohen. Le
chanteur, indisponible, est "remplacé" par Stephan Eicher. On
sait comment évoluera cette rencontre.
L'écrivain déménage en 1989, direction les États-Unis. Martha's
Vineyard, une petite île au large de Boston, devient le lieu de
résidence de l'écrivain. Après avoir passé un mois à l'hôtel
méridien, Djian y loue une maison. Il écrit Crocodiles, termine
Échine et commence Lent dehors (les lieux évoqués dans
ce roman s'inspirent directement de cette escapade américaine).
La prochaine étape de l'écrivain voyageur, en 1991, est Florence, en
Italie, où l'écrivain rédige Sotos. Un changement important
intervient alors. Rappelé précipitamment à Paris en raison de
mensualités non versées par Bernard Barrault, Djian rejoint la
capitale. Il passe un nouveau contrat avec son éditeur dans lequel il
s'engage pour ses trois prochains romans. Détail important, que Bernard
Barrault n'a pas signalé à Djian : sa maison a été vendue aux
éditions Flammarion. Philippe Djian refuse de rallier cette maison et
signe chez Gallimard, malgré d'importantes promesses financières de la
part de B. Barrault. Sotos, en 1993, est le premier roman publié
dans la collection blanche.
Retour en France en 1994. Bordeaux est la ville élue par Djian. Il
commence à rédiger le premier volume de ce qui deviendra une trilogie
(Assassins, Criminels, Sainte-Bob). Il n'y reste
qu'un an avant de poser ses valises à Lausanne, en Suisse. Il boucle la
trilogie, rédige Vers chez les blancs (ce titre énigmatique a
été "emprunté" à un panneau indicateur sur lequel il est
tombé lors d'une tempête de neige).
Après cinq ans passés en Suisse, retour à Paris, la ville natale, où
l'écrivain habite actuellement, dans un logement appartenant au...
Vatican. Pour combien de temps ?...
Les propos cités entre parenthèses sont de Philippe
Djian,
extraits de Philippe Djian revisité (Les Flohic
éditeurs, 04/2000).
Tous droits réservés pour l'ensemble de ce
texte, © D. Desvérité
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