Carcassonne (1993)

Carcassonne (1993)
Paroles de Philippe Djian
Des hauts des bas - Ni remords ni regrets - La nuit debout - Manteau de gloire
Rivière - Baiser orageux - Durant un long moment

DES HAUTS DES BAS

La pluie venait du nord
Le vent passait sous ma porte
Je comptais vivre fort
Et que le diable m'emporte
J'allais à la fenêtre
Enroulé dans un drap
Je secouais la tête
J'en écartais les bras

J'avais des hauts
J'avais des bas
J'avais plus ou moins chaud
Toute la vie devant moi
J'avais des hauts
J'avais des bas
Je crois que j'en voulais trop
J'ai même eu ce que je n'voulais pas

Je restais enfermé
Ou errais pendant des jours
Trop de chemins s'ouvraient
Trop de questions en retour
Je n'avais pas tué mon père
Mais je ne me souvenais pas
Ce qu'il me disait de faire
Ou ce qu'il ne disait pas

J'avais des hauts
J'avais des bas
J'avais plus ou moins chaud
Toute la vie devant moi
J'avais des hauts
J'avais des bas

Je crois que j'en voulais trop
J'ai même eu ce que je n'voulais pas
Chaque jour je me tenais prêt
Je guettais l'heure et la page
Où les eaux s'ouvriraient
Me laisseraient un passage
L'espoir me faisait vivre
L'attente me rendait nerveux
Je trouvais dans les livres
De quoi patienter un peu

J'avais des hauts
J'avais des bas
J'avais plus ou moins chaud
Toute la vie devant moi
J'avais des hauts
J'avais des bas
Je crois que j'en voulais trop
J'ai même eu ce que je n'voulais pas

J'avais des hauts
J'avais des bas...

NI REMORDS NI REGRETS

Il n'a aucune chance avec elle :
Je l'ai prévenu,
Mais il veut essayer quand même
Il est têtu
Il ne veut pas de mes conseils,
Me sourit d'un air entendu,
Puis s'en va recevoir sa peine,
Le cœur léger, la joue tendue

Il ne m'écoute jamais
Il fait ce qui lui plaît
Car encore ne connaît
Ni remords, ni regrets

Inutile de le mettre en garde
Il tend les bras
Il trouve ce monde si désirable
Qu'il n'attend pas
Il tient les serments, les promesses
Pour de l'or pur, pour de l'airain
Trahi, il en tombe sur les fesses
Mais il n'y pense plus le lendemain

Il ne m'écoute jamais
Il fait ce qui lui plaît
Car encore ne connaît
Ni remords, ni regrets

Il bénit chaque jour qui se lève
Se frotte les mains
Il voit partout de la lumière
Même dans les coins
Il se jette la tête la première
Sans hésiter, sans prendre soin
De glisser un œil en arrière
Pour voir s'il connaît le chemin

Il ne m'écoute jamais
Il fait ce qui lui plaît
Car encore ne connaît
Ni remords, ni regrets

Si j'ai passé la nuit entière
A lui parler
Au matin c'est lui qui m'enterre
Pour la journée
Il ne veut pas de mes conseils
Me sourit d'un air entendu
Puis s'en va recevoir sa peine
Le cœur léger, la joue tendue

Il ne m'écoute jamais
Il fait ce qui lui plaît
Car encore ne connaît
Ni remords, ni regrets

 

LA NUIT DEBOUT

J'ai passé la nuit debout
dans le noir et l'impatience,
à me souvenir de vous,
de vos mains, de vos silences.
Ah, j'étais si jeune alors,
je ne comprenais pas grand chose.
Je n'aimais que votre cœur,
vos joues en devenaient roses.
J'ai passé dans vos genoux
plus de temps que nécessaire.
Et votre sourire est flou,
votre voix n'est plus si claire.
Ah ! J'étais aveugle alors,
je marchais vers la lumière.
Je ne croyais pas à la mort,
les mots, je ne savais qu'en faire.
Oh, où êtes-vous, où
êtes-vous,
maintenant que je pourrais vous aimer ?
Où êtes-vous, où
êtes-vous,
maintenant que j'ai besoin de vous ?


J'ai passé la nuit debout
à chercher votre visage.
Vous aviez des mots trop doux,
je ne connaissais que la rage.
Ah ! J'étais si fier alors,
que je ne voulais rien entendre.
Le désir était si fort
que je me mordais la langue.
J'ai dansé, pensant à vous,
après toutes ces années blêmes.
Je n'ai rien trouvé du tout,
rien qui n'en valut la peine.
Ah ! Le monde était alors
un océan de promesses
et je me croyais très fort,
j'étais sans délicatesse.
Oh, où êtes-vous, où êtes-vous,
maintenant que je pourrais vous aimer ?
Où êtes-vous, où êtes-vous,
maintenant que j'ai besoin de vous ?

J'ai passé la nuit debout,
loin du bruit, du déshonneur,
loin du sang, loin du dégoût
et ce fut un vrai bonheur.
Ah ! Je vous revois hier,
agitant votre mouchoir.
Mais j'avais tellement à faire,
je nourrissais tant d'espoirs.
Oh, où êtes-vous, où êtes-vous,
maintenant que je pourrais vous aimer ?
Où êtes-vous, où êtes-vous,
maintenant que j'ai besoin de vous ?

MANTEAU DE GLOIRE

Je croise des rêves, je croise des gens,
je croise des morts et des vivants.
Le jour se lève en emportant
de la poussière, des ossements.
Sous les mensonges, sous les tourments,
la nuit s'étire, l'ombre s'étend.
Petite éponge noyée de sang,
ne vois-tu rien venir devant ?
Qu'est-ce que l'on cherche ?
Qu'est-ce qu'on apprend ?
Où sont les perches
que l'on nous tend ?


Manteau de gloire, Manteau d'argent,
on va tout nu par tous les temps.
Chanson pour boire, chanson seulement,
pour dire le vide que l'on ressent.


Poignée de sable qu'on voit filant,
d'entre nos doigts, n'y rien pouvant.
Sur son nuage va chevauchant
chacun de nous
cheveux au vent.

Manteau de gloire, Manteau d'argent,
on va tout nu par tous les temps.
Chanson pour boire, chanson seulement,
pour dire le vide que l'on ressent.

Ce que main donne, l'autre reprend,
ce que l'on tient fichera le camp.
Noir dit un homme, l'autre dit blanc,
il faut parfois tuer le temps.
Qu'est-ce que l'on cherche ?
Qu'est-ce qu'on apprend ?
Où sont les perches
que l'on nous tend ?

Manteau de gloire, Manteau d'argent,
on va tout nu par tous les temps.
Chanson pour boire, chanson seulement,
pour dire le vide que l'on ressent.

RIVIÈRE

J'attends à la rivière
Je surveille le chemin
Je n'ai rien d'autre à faire
Mais rien ne vient
J'attends le nez en l'air
Je n'me tords pas les mains
On gagne ou bien on perd
Mais c'est plutôt bien
Je m'en irai tout à l'heure
Je reviendrai demain
On n'sort pas du désert
On tourne sans fin
Le jour tombe et l'enfer
N'est pas aussi lointain
Mais je n'suis pas amer
Toujours on en revient
Et les blessures se ferment
Et attendre n'est rien
Et les larmes sont vaines
Et c'est le même refrain
Je garde les bras ouverts
Le vent passe entre mes mains
C'est l'heure de la prière
Mais rien ne vient
On finit par s'y faire
Avec un peu d'entrain
On sait bien qu'nos misères
Ne prennent jamais fin
Et les blessures se ferment
Et attendre n'est rien
Et les larmes sont vaines
Et c'est le même refrain
J'attends à la rivière
Je surveille le chemin
Je n'ai rien d'autre à faire
Mais rien ne vient

BAISER ORAGEUX

Ce n'est pas une pierre
Tombée du ciel
Ni un chat noir
Ni une échelle
Ce n'est pas dans l'air
Comme une odeur
Ni dans la chair
Ni dans ton cœur
Tu as c'que tu mérites
Tu as c'que tu mérites
Ce n'est pas Dieu qui t'a
Montré du doigt


Fatalité
Malédiction
Tu t'es toujours
Trompé de nom
Ne t'excuse pas trop vite
Ne t'excuse pas trop vite
L'agneau de Dieu est las
D'entendre ça


Ne cherche pas
D'autres poitrines
C'est toujours toi
Que tu piétines
Et tu connais la suite
Et tu connais la suite
Chaque fois tu descendras
Un peu plus bas


Des forêts sombres
Du vent amer
Tu prends le goût
Et la poussière
Passer de l'ombre
A la lumière
N'est
pas c'qui est
Le plus simple à faire


Tu brilles par tes limites
Tu brilles par tes limites
Les sept coupes sont à ras
Elles sont pour toi

DURANT UN LONG MOMENT

Durant un long moment
Il reste silencieux
Sans bouger
Examine lentement
Une mèche de cheveux
Parfumée
Puis il dit
C'est comme ça, c'est la vie
Je ne vais pas en mourir
On doit s'attendre au pire
Ou c'est bien fait, c'est bien fait, c'est bien fait
pour moi !

S'asseyant sur le lit
Il s'oblige un regard
Sur la chambre
Il n'y a plus rien ici
Il n'y a plus que le fard
Et la cendre
Et il dit
Voilà tout est fini
Je n'avais pas tout appris
Mais sacré nom de Dieu
Faut-il aimer la vie
Ou la jeter, la jeter, la jeter au feu ?

Ses yeux roulent dans le noir
Sans qu'il puisse y changer
Quelque chose
Les voies du désespoir
En pitreries se
Métamorphosent
Il se dit
Quelle erreur ai-je commis ?
Vais-je finir à genoux
Ou bien sur le tapis ?
Une femme vous tient debout
Puis un jour elle, un jour elle, un jour elle vous scie

Plus tard, dans le jardin
Dans la fraîcheur du soir
Il repense
A ce qu'il aimait bien
Venant d'elle ou de par
Sa présence
Et il dit
J'en aurais bien repris !
Je le dis simplement
Avec humilité
Te suis reconnaissant
Pour tout le temps, tout le temps, tout le temps passé