Philippe Djian : "Ca c'est un baiser", entretien

 

Accoutumance, voire addiction

Trop tard, ça y est, on devient fan ! Effet série oblige, passée une légitime méfiance envers des personnages que l'on ne connaissait pas dans le pilote (ou saison 1), avec ce second opus, on tombe dans l'engrenage, et l'on retrouve avec plaisir cette smala acidement djianienne, et l'on dévore ces 300 pages et, soumis à l'addiction, on ronge son frein dans l'attente de la saison 3...
Dans le court-circuit cathodico-littéraire ici manifesté, Philippe Djian fait des étincelles. Les Sollens vallent les Fisher (Six feet under), les Bristow (Alias) ou les Soprano... Suffisamment barrés pour nous amuser, ils nous ressemblent assez pour qu'on s'y reconnaisse... «Une famille. De quel droit emploies-tu ces mots? Une famille. Comment peuvent-ils sortir de ta bouche. De tels mots. Dis moi : es-tu devenu cinglé?», lance Irène à Victor... (p.22)
Nous voici donc à nouveau avec la Sollens connexion : les deux frères, Marc et David, les parents, Irène et Victor, les maîtresses et futures épouses, Edith et Josianne, et la descendance, Sonia et, paraît-il, quelque bébé aussi... Entre une explosion et un coup de poing en pleine poire, cette nouvelle aventure dans une banlieue résidentielle non indentifiée, très américanisée cependant, le long d'un fleuve tantôt édénique tantôt infernal, percute, saisit, et contente. Du mariage dans l'air, entre Marc et Edith, entre David et Josianne, des retrouvailles aussi, entre Irène, la doyenne psycho-frigide (quoique, elle cache bien son jeu, la cochonne!) et Victor, le patriarche poète et décati, un jeune homme mis dans le coma, et, en arrière-plan, un déluge façon El Nino-Le Jour d'Après-réchauffement climatique... Plus, une agression dans une bar-cantine du coin, plus, du sexe à gogo (Marc et Edith sont infatigables), plus, un marathon et bien d'autres choses encore !
Rien à dire, Philippe Djian maîtrise les ressors dramatiques d'une série rondement menée et ceux d'une intrigue proprement littéraire. Sans oublier la B.O., avec les Babyshambles ou encore, la version de Over the Rainbow par Israel Kamakawiwo'ole ! La passerelle est posée, que l'on emprunte avec un plaisir non dissimulé, encore et encore !

Bruno Portesi, 07/04/2006, Parutions.com