Dans
le noir de l'adolescence
Avec ce quinzième roman, Djian a-t-il
trempé sa plume dans le bon encrier? Lire est partagé.
Pour
Rares sont les écrivains français à concevoir la littérature comme les
grands écrivains américains. S'il n'y en avait qu'un, ce serait Philippe
Djian. Impuretés permet de constater l'importance évidente de
l'auteur de 37°2 le matin. Il signe une histoire multigénérationnelle
autour d'Evy, adolescent traumatisé par la mort mystérieuse de sa sœur
et peu aidé par des parents plutôt paumés. Ex-écrivain «star», son
drogué de père signe des scénarios, et sa mère, comédienne, est du
genre «prête à tout». Refusant le cynisme du monde, Evy entame une
relation platonique avec la meilleure amie de sa sœur. La tempête, réelle
ou symbolique, risque de s'abattre sur la demeure familiale. Grand livre
sur la perte des illusions, le quinzième roman de Philippe Djian impose
une noirceur effrayante, d'autant plus saisissante qu'elle n'est pas
programmée par un traditionnel ton clinique. L'écriture écorchée, les
personnages trop vrais et les situations volontairement maladroites
humanisent ce conte cruel, pendant français de l'extraordinaire Tempête
de glace de Rick Moody.
Baptiste Liger
Contre
L'adolescence est un passage difficile, et il faut 350 pages à Philippe
Djian pour le dire. C'est à peu près tout ce qu'on retient de son
dernier roman. Si Djian ne surprend plus vraiment, on aime retrouver ses
personnages à la dérive, leurs relations familiales du haut en bas de
l'arbre généalogique. On s'est attaché à la personnalité de l'écrivain,
à son désenchantement d'homme nourri par les romanciers américains et
les idéaux des années 1970. Mais Philippe Djian a-t-il pris du plaisir
à écrire Impuretés? Où est sa phrase nette, énergique, un peu
rogue? Pas si loin, puisqu'on la trouve encore dans son avant dernier
livre, Frictions. Dans Impuretés, elle est lourde et sonne
faux. Djian, si attaché à l'écriture, déraille dans un style lâché,
encrassé. La chair est triste, c'est une constante. Son érotisme brut,
sans fanfreluches, a fait place au sexe rance, à la tournure vulgaire. Impuretés
est écrit par un quinquagénaire qui s'acharne à parler de la jeunesse
comme d'autres philosophent au comptoir. Philippe Djian a vieilli. Ou sa
plume s'ennuie.
Karine Papillaud
Lire, mars 2005
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