Les écrivains évoqués dans Ardoise (1)
Jerome David Salinger - Louis-Ferdinand Céline - Blaise Cendrars - Jack Kerouac - Herman Melville

 

Jerome David Salinger

 


Sur L'attrape-Cœurs

"D'une certaine manière, je ne me souviens pas de ce qu'il y a avant L'attrape-Cœurs. Je pense que quelques livres étaient déjà passés entre mes mains, mais je n'en ai plus le souvenir. Ma mémoire a tout effacé, comme si elle entendait lui faire une place nette." (p. 19)

"Je ne me souviens plus si j'ai réellement ri ou pleuré en lisant L'attrape-Cœurs, mais je sais que plusieurs jours après avoir refermé ce livre, j'en tremblais encore." (p. 22)

"[...] Salinger me simplifia la vie. Je pouvais désormais entrer dans une librairie en sachant ce que je venais y chercher. Je prenais un livre et, sans me soucier de ce qu'il racontait, j'en lisais un passage au hasard. Il me semblait que je pouvais à présent reconnaître un écrivain au premier coup d'œil. En fait, ils n'étaient pas si nombreux. J'attrapais surtout des crampes dans les bras." (p. 28-29)

 

 

Louis-Ferdinand Céline

 


Sur Mort à crédit

"[Céline] représente pour moi le styliste absolu." (p. 31)

"Je me plongeai alors dans Mort à crédit. Je ne savais toujours pas qui était Céline. Mais lorsque je refermai ce livre, le mal était fait. J'étais persuadé d'avoir découvert le plus grand écrivain français et je ne pouvais plus revenir en arrière." (p. 32)

"Céline n'est pas un écrivain qui vous tend la main. Il est celui qui vous enfonce la tête plutôt que de vous repêcher. Il est l'Ange Exterminateur. Le plus puissant d'entre tous." (p. 34)

"Vouloir en finir avec Céline est présomptueux : il nous a donné mille raisons de l'enterrer une bonne fois pour toutes mais il est toujours là et cela tient du prodige." (p. 38)

 

 

Blaise Cendrars

 


Sur Du monde entier

"Déjà, avant de lire Cendrars, j'avais décidé que la poésie était une saine nourriture. Un poème que je lisais le matin pouvait m'accompagner toute la journée et décider de mon humeur." (p. 44)

"Avec Cendrars, le monde a des allures d'éblouissement perpétuel, de bouillonnement, d'activité fiévreuse. Même quand elle est monstrueuse, la vie semble magnifique." (p. 46)

"[...] la lecture de Cendrars transforma le contenu de mes carnets : je me mis à écrire en vers libres. Du moins j'essayai." (p. 49)

" À partir de ce moment, je découvris qu'écrire n'était pas facile. Qu'il ne suffisait pas de voyager et de rouler ses cigarettes d'une seule main pour écrire Les Pâques à New York." (p. 50)

 

 

Jack Kerouac

 


Sur Sur la route

"La première phrase trace un sillon sur ma poitrine. C'est une lame qui avance en écartant mes chairs. J'ai envie de dire : "Non, Jack, arrête...", mais je ne dis rien et poursuis ma lecture tandis que mon sang se répand sur les draps et que la tête me tourne." (p. 56)

"Qu'est-ce que Jack Kerouac ne m'a pas appris ? Répondre à cette question plutôt qu'à son contraire me ferait gagner du temps. Et que m'en reste-t-il ? À peu près tout." (p. 57)

"Mon admiration pour Jack Kerouac, ce qui me faisait sauter dans un avion pour fouler le sol qu'il avait foulé, admirer les paysages qu'il avait décrits, les villes qu'il avait traversées, ne tenait au bout du compte qu'à la manière dont il organisait quelques mots dans une phrase. Peut-on croire une chose pareille ? N'est-il pas temps de parler de la magie ?" (p. 65)

 

 

Herman Melville

 


Sur Moby Dick

"Béni soit l'auteur qui possède ce pouvoir : redonner à vos émotions la pureté qu'elles ont connue lorsque vous lisiez sous les draps, à la lueur d'une lampe électrique, perdu dans l'immensité du monde." (p. 70)

"Il y a un autre aspect de Moby Dick, que le foisonnement de l'œuvre semble avoir occulté : sa matérialité. Chaque élément du décor peut se matérialiser sous la main, de même que l'on peut entendre, voir, sentir, se pencher par-dessus bord et recevoir les embruns en pleine figure ou passer un moment avec un bout de corde raidie par le sel dans l'espoir de réaliser un nœud de jambe de chien." (p. 70)

"Je pense que c'est à Melville que je dois ce sentiment qu'un personnage n'existe pas tant que le vent n'a pas soufflé dans ses cheveux." (p. 70)