Ca c'est un baiser : présentation générale

 

Ça, c'est un baiser :
présentation générale

 

Ça, c'est un baiser : présentation


Assurément, Philippe Djian a lu et digéré Houellebecq, Grangé et Martin Amis. Dans ce douzième roman, Djian utilise le prétexte d'une trame policière pour construire un récit fluide à deux voix, alternant tantôt une voix masculine (Nathan), tantôt une voix féminine (Marie-Jo).

L'argument

Nathan et Marie-Jo sont deux flics de petite envergure, travaillant dans une ville où règne un chaos certain. À la suite de l'assassinat de Jennifer Brennen, fille d'un gérant de multinationale, les deux personnages se voient confier l'enquête. Nathan vient de se séparer de Chris, la seule femme qu'il ait jamais aimée, partie rejoindre une communauté anti mondialisation. Elle y rencontre Wolf, professeur d'économie politique en Allemagne, et devient sa maîtresse.
Marie-Jo, de son côté, a vécu avec Franck avant de s'apercevoir que ce dernier lui préférait les hommes. Marie-Jo est complexée par son poids (aux alentours de 89 kilos et des poussières...), se gave de traitements en tout genre, est une adepte du footing. Sa principale obsession est de perdre ces kilos qui la gênent. Frank, avec qui elle cohabite toujours, est professeur de creative writing à l'université où a été scolarisée Jennifer Brennen. L'enquête se déroule en partie sur ce campus où Franck mène parallèlement son enquête (clin d'œil aux Rivières pourpres ?).
Nathan et Marie-Jo sont également amants. Nathan refuse de coucher avec une autre fille qu'elle, malgré les avances de Paula, top model amie de Marc, frère de Nathan. À l'occasion, Marie-Jo se fait besogner par Ramon, son voisin, ami de Franck.

Le récit

Évidemment, l'enquête menée par Nathan et Marie-Jo ne constitue qu'un prétexte pour voir se nouer et se dénouer, comme toujours chez Djian, des relations singulières entre les personnages. La fluidité du récit, contrairement à son roman précédent (Vers chez les blancs), est exemplaire. Perdus dans leurs contradictions et leur solitude, Nathan et Marie-Jo se raccrochent à la complicité qui les unit pour tenter de dépasser le quotidien qui les démolit à petit feu. Le style de Djian est en parfaite harmonie avec ce climat sulfureux et pesant.
On peut parfois regretter une vision un peu trop manichéenne et simpliste du monde. En prenant ouvertement partie contre la mondialisation et ses dérives incontrôlables, en dénonçant l'insécurité et la décadence d'une métropole, Djian aligne certains poncifs dont le récit, au fond, se serait facilement dispensé : "Le saut dans l'an 2000, il faut bien le reconnaître, n'avait pas débouché sur une clairière tranquille et, chaque année qui avait suivi, l'ambiance avait continué de se dégrader" (p. 202). Cette pensée obsède le romancier du début à la fin, comme si une certaine nostalgie s'était emparée de lui. Qu'il ait résidé à Paris durant la rédaction de ce roman a évidemment un lien avec cette manière de voir le monde.
Malgré tout, cette cuvée Djian 2002 figure en bonne place au sein de l'œuvre de l'écrivain. Les dialogues sont remarquablement maîtrisés, le récit habilement ficelé et prenant. Le croisement permanent entre les deux voix narratives offre un souffle toujours renouvelé au texte. En bref, chaudement recommandé !

© David Desvérité, juin 2002.