Codes et ficelles télévisuels cuisinés à la sauce romanesque
par Philippe Djian. La première saison d’une trilogie annoncée,
dont toutes les issues restent envisageables.
Présentée par
Philippe Djian comme une "série littéraire"
calquée sur le modèle des séries télé, voici donc la première
saison de Doggy bag, la suite étant annoncée
pour 2006 (deux autres devraient suivre). Pas tout à fait un
roman, ni un feuilleton ni un scénario, pas non plus une pièce
de théâtre, Doggy bag est à la croisée
de tous ces genres. Mélo sirupeux, personnages torturés,
luttes fratricides, amours secrètes, brushings impeccables,
emmerdements maximums, problèmes d’alcool et voitures de
sport, tout vise à transformer cet ouvrage en une série à
rallonge qui prendrait naissance sous le brûlant soleil de
Californie.
Au cœur de cette histoire gravitent Marc et David Sollens, deux
frères vendeurs de voitures. N’allez pas imaginer deux types
en bleu de travail bossant dans un garage aux murs maculés de
cambouis, mégot au coin du bec et tournevis à la main. Ici, on
est dans la concession de luxe où l’on discute voitures en
costard cravate avec des montants à six chiffres. Un beau
matin, Edith débarque. Edith, c’est l’ex des frères, à
l’origine d’une brouille (et d’une bagarre) entre Marc et
David vingt ans plus tôt. Inutile de préciser qu’Irène, la
mère des frangins, voit d’un sale œil le retour de la garce,
d’autant qu’elle est accompagnée de sa fille Sonia, dont le
père n’est autre que l’un des deux frères (mais lequel ?)...
On ajoute à cela une infirmière divorcée qui ne refuse jamais
une partie de jambes en l’air, une secrétaire transie
d’amour pour Marc, un avocat bien décidé à en découdre
avec la municipalité, et il n’y a plus qu’à tirer les
ficelles de ce soap littéraire pour en démêler le paquet de nœuds.
Les lecteurs familiers de l’univers de Philippe Djian ne
seront aucunement surpris de la réappropriation des codes télévisuels
par une plume talentueuse et grinçante. Derrière cet univers
de strass, de paillettes et de faux semblants, les cœurs
battent, les rires fusent, les nerfs lâchent et les pleurs
ruissellent. Construit sous formes de séquences courtes et
incisives, dont l’excès descriptif ralentit parfois la portée
dramatique (les fameux coups de théâtres survenant juste avant
la coupure pub), Doggy Bag est une longue
farce se jouant d’un pathos exacerbé poussé jusqu’aux
limites les plus caricaturales. Bien évidemment, on en sourit,
comme on sourit en regardant Les feux de
l’amour. Tout en sachant que d’autres ne rechignent pas
à écraser une larme devant tant de rebondissements malheureux.
D. Desvérité
Cette critique a été
publiée sur le site aVoir-aLire.com |