Ca, c'est un baiser : extrait


Doggy bag, saison 6 :
Extrait

 


« Hello, NOTHING compares to the feeling of having a larger penis !
– Hi bro, many men around the world have successfully increased their penis size ! »

Pour un dépendant sexuel, tout espoir de guérison semblait parfois totalement utopique. De quelque côté que l’on se tournât, il était rare il était pratiquement exclu qu’on laissât une seconde le pauvre type en paix, qu’on n’attisât pas ses plus mauvais penchants en toute occasion, en tout lieu. Non ?
Marc ricana silencieusement et quitta son courrier. Une bonne douche froide allait remettre ses idées dans le droit chemin. Le ciel blanc, lumineux, tiédissait les draps cependant que les vitres s’ornaient de givre, que l’horizon fumait.
Le raclement que l’on entendait provenait d’en bas, où Édith, armée d’une large pelle et chaussée de bottes fourrées, s’employait avec ardeur à dégager la terrasse. Des hirondelles affamées tournoyaient au-dessus du jardin couvert de glace. Il faisait moins vingt. L’air était particulièrement froid. Ses oreilles et ses joues brillaient comme des lampions, un jet de vapeur bleutée sortait de sa bouche.
Il l’observa de l’étage, un instant, légèrement en retrait, et la première pensée qui lui vint fut qu’il la trouvait tout simplement irrésistible. Si un esprit chagrin avait pu émettre quelques doutes, vingt ans plus tôt, quant à la femme qu’elle deviendrait, il n’avait qu’à ouvrir les yeux aujourd’hui. S’il se demandait comment une belle fille pouvait devenir une superbe femme, il n’avait qu’à jeter un coup d’oeil à la fenêtre.
Il était ravi de l’épouser. Édith avait choisi la première semaine de janvier pour la cérémonie, mais s’il n’avait tenu qu’à lui, ils auraient fait ça maintenant, juste avant Noël pour en finir avec le passé une bonne fois pour toutes. Un homme qui épousait une femme capable de déblayer la neige devant sa maison était un homme bien avisé.
En tout cas, c’était avec elle qu’il prenait le plus de plaisir. Elle était celle qu’il aimait tenir dans ses bras, quoi qu’il en soit. Il était bon de le préciser. Le soir, il lui allumait des feux dans la cheminée car la chaudière, bien que poussée à fond, peinait à fournir les vingt degrés auxquels n’importe quel blanc est habitué douze mois par an, à moins d’être logé dans une caverne battue par les vents ou de coucher sous les ponts et il lui proposait une boisson chaude tandis qu’une lune argentée montait dans le ciel d’un noir sans fond, hyperglacé. Pour simplement lui être agréable.
Au loin, la silhouette de l’auditorium se découpait sur un horizon laiteux qui n’augurait guère d’une prochaine remontée du thermomètre le matin tremblait comme de la gelée translucide, le soleil flottait comme le jaune dans le blanc d’un œuf cru.

© Philippe Djian & Éditions Julliard, 2008.