Ca, c'est un baiser : extrait


Impuretés


Retour en grâce pour Philippe Djian. Impuretés, roman placé sous la constante influence des éléments, c’est un peu le calme avant la tempête. Une histoire de famille exacerbée, pleine de non-dits et de rancœurs, baignant dans un luxe surfait.

 

Le combat consistant à faire de Philippe Djian le vilain petit canard de la littérature française semble bel et bien être passé de mode. Et, n’en déplaise à quelques aigris, Djian continue de construire patiemment son œuvre. La publication de ce quatorzième roman, c’est un peu comme si une pierre supplémentaire et parfaitement taillée venait s’imbriquer dans l’édifice déjà bien avancé de son univers. Les thèmes qui lui sont chers reviennent, peut-être plus approfondis que d’habitude, avec une sensibilité qui s’affine et se creuse de plus en plus profondément.
Il est question des rapports difficiles entre Evy, un adolescent de quatorze ans, et ses parents. Cette famille réside sur une colline, là où le fric permet toutes les extravagances et les caprices, là où l’on peut contempler le commun des mortels de toute sa hauteur. Un univers fait d’artifices et de paillettes, qui pourrait ressembler aux collines de Cannes ou de Los Angeles si elles étaient bordées de forêts et de lacs. C’est dans l’un de ces lacs que Lisa, la sœur d’Evy, s’est noyée. Evy était là. Evy a tout vu. Mais il refuse d’en parler.
Sa mère, c’est une actrice sur le retour, désormais obligée de coucher pour décrocher un rôle. Son père, c’est un écrivain qui a longtemps cédé à la came et qui est juste bon à écrire des scénarios minables pour des feuilletons télé. Le succès est derrière eux. Plongé dans un mutisme froid, incapable de communiquer, Evy s’aère l’esprit en compagnie d’Andreas, de Michèle et d’Anaïs. Des ados qui s’isolent et s’envoient des joints, se construisent un univers imperméable aux adultes. Des ados dont le cuir est tanné malgré leur courte vie, des ados ayant toujours eu sous les yeux les exemples à ne pas suivre.
Djian a flanqué dans une marmite différents ingrédients qu’il a laissé sur le feu jusqu’à ébullition. En pyromane des mots, il frotte ses personnages les uns aux autres jusqu’à obtenir des étincelles et les confronter à une crise ultime. Construit quasiment comme un huis clos, mais un huis clos à l’air libre, Impuretés rappelle la trilogie Sainte-Bob par la présence constante des éléments, déterminants quant au destin des personnages. L’eau, la forêt, la tempête, le ciel ou le soleil, hantent le récit de manière oppressante, scellant les destins et forgeant les caractères. Le tout porté par la mélodie harmonieuse et fluide d’un écrivain qui décortique les âmes d’un scalpel rageur.

D. Desvérité

Cette critique a été publiée sur le site aVoir-aLire.com