"Frictions"
Nouvelle inédite publiée dans le journal Le Monde (14/07/02),
disponible à cette adresse.
À cette occasion, un article de Josyane Savigneau intitulé
"Le doux désenchantement de Djian" est paru dans le quotidien.

L'argument

Un jeune garçon de onze ans dont les parents vivent séparés voit son père revenir
à la maison le temps d'une journée. La haine de sa mère pour cet homme reste vive et entière.
Ce père éternellement absent va peser par sa présence et son attitude. 

Quelques extraits

"Je dois dire que s'il y en avait un qu'on ne s'attendait pas à voir, c'était bien lui.
Ma mère s'est retournée, et elle a blêmi. J'ai senti que ma mâchoire tombait. La dernière fois que j'avais vu mon père, c'était à Noël."

""Ça va comme tu veux ?" m'a-t-il lancé. Depuis qu'on ne vivait plus ensemble, c'était sa question favorite. Et ma réponse était toujours affirmative. En général, on n'avait pas le temps de se dire grand chose. Il ne restait jamais très longtemps. Et puis lui dire quoi ?"

"À présent, son regard brillait et elle fumait une cigarette en me dévisageant, mais je voyais bien qu’elle pensait à autre chose. Des hommes la reluquaient, mais ça ne l’intéressait pas, pour une fois. De mon côté, je m’interrogeais sur quoi j’étais censé être d’accord. Et je n’en savais rien, pour être franc. Je ne la comprenais pas toujours. Quand mon père nous rendait visite, ce n’était même pas la peine d’essayer."

"La voisine se mettait toujours du côté de ma mère. D’après elle, les femmes devaient se serrer les coudes et que, parfois, mieux valait ne pas avoir de mari du tout. Pendant que mon père bandait son genou, elle le fixait par-dessus la table, en appui sur les bras. " Je te jure qu’elle est de bonne composition ", a-t-elle fini par lui sortir."

" Avec ma mère, on s’est regardés car on a pensé à la même chose. On a pensé à la voisine qui cherchait du boulot depuis deux mois et on en connaissait d’autres dans le quartier, des femmes qui tournaient en rond toute la journée, qui passaient leur temps à nettoyer leur baraque ou à lire des magazines, et des hommes aussi, que ça fichait en l’air. Je les voyais, quand ils venaient chercher leur gosse à l’école, et je voyais que c’était pas la joie."

" "Dis donc, lui a-t-il fait. Je peux quand même te demander un service, de temps en temps. Hein, ça va pas te tuer, pour une fois." Là-dessus, j’étais plutôt d’accord. On ne pouvait pas dire qu’on l’avait souvent dans les jambes. En deux ans, on ne l’avait vu que cinq ou six fois et la plupart du temps en coup de vent, il était toujours pressé."

" Et elle m’a fait : "J’ai besoin que tu me dises quelque chose. J’en ai vraiment besoin."
Je voyais le genre.
Je lui ai dit : "Je te quitterai jamais." C’est sorti tout seul.
Elle s’est serrée contre moi.
"Je le sais bien, a-t-elle murmuré. Je sais très bien que tu ne feras jamais ça.""